L'arrivée du culte de Saint-Gaudérique en Roussillon

L’ARRIVEE DU CULTE DE SAINT GAUDERIQUE EN CONFLENT

Vie de Saint Gualdric par M. l’abbé de Casamajor, extraits choisis :

« Lorsque Saint Gualdric entendait la cloche de l’église sonner la salutation angélique, il avait l’habitude de s’agenouiller aussitôt, quelque part qu’il se trouvât, dans sa maison, dans son champs, dans les rues de son village ; car il avait une extraordinaire dévotion envers la Très-Sainte-Vierge Marie. Or, le sonneur du village eut un jour la pensée, dans un esprit de moquerie, de sonner la salutation angélique au moment où saint Gualdric traversait, nus pieds, une certaine petite rivière qu’on appelle les Mathieux. N’ayant aucun égard à l’eau qui coulait autour de ses jambes, le saint Laboureur, au premier coup de cloche, s’agenouilla. Le sonneur, perché sur la tour de l’église, dut bien rire du succès de sa malice ; mais il ne rit pas longtemps. Dieu, qui connaissait la piété de son serviteur, arrêta le cours de l’eau et fit surgir du fond de la rivière une couche de sable sec où saint Gualdric put s’agenouiller et réciter sa prière. Mais alors le sonneur, descendant du clocher, courant, criant au miracle, se précipite aux pieds du Saint, s’humilie, lui demande pardon de ses railleries et raconte lui-même, à qui veut l’entendre, et la faute qu’il avait commise et le miracle dont il vient d’être témoin. »

Au sujet de l’enlèvement des Reliques de saint Gaudérique ; le comte de Cerdagne Guiffre venait d’édifier le monastère du Canigó [aujourd’hui Saint-Martin-du-Canigou]. Il envoya deux hommes à la recherche de saintes reliques afin d’établir la renommée de cette abbaye nouvellement fondée. A ce propos, voici ce qu’écrit M. l’abbé de Casamajor :

« Quoi qu’il en soit, ces hommes religieux, envoyés par un puissant seigneur qui ne cherchait qu’à devenir un saint, se mettent en campagne, avec autant d’audace que de finesse, et surtout avec une ardente piété dans le cœur. Où vont- ils ? Pèlerins de la nuit, comme des voleurs, quoique moines et nobles, ils suivent des chemins peu fréquentés ; ils entrent inaperçus dans les villes, dans les villages ; partout où un corps- saint repose, ils secouent les serrures de la porte des églises champêtres ou des cathédrales, car ils ne vont pas demander des Reliques : on les leur refuserait ; ni en acheter, l’argent à la main : ce serait une sorte de simonie ; ils ne cherchent qu’à les enlever, unique moyen d’en devenir possesseurs. En ces temps-là on se posait cette question : est-il permis ou est-il défendu de voler de saintes reliques ? Les plus pieux, qui en étaient avides, estimaient qu’un pareil larcin était une œuvre pie.

Quand cette passion des choses saintes se réveille à ce degré dans l’âme d’un peuple, on peut d’avance prophétiser qu’il fait ou du moins qu’il est à la veille d’accomplir des actions glorieuses. Ici, le souffle des croisades se faisait déjà sentir. On allait partir pour Jérusalem. Le tombeau de Jésus-Christ, sainte Relique par excellence, attirait comme un irrésistible aimant des millions de bras. En même temps, un mouvement de renaissance carolingienne comme d’ébranler les imaginations ; des épopées, en langue française, semblent naître par enchantement, franchissant le Rhin et les Alpes, et établissent partout la prépondérance pacifique de notre nation par les œuvres de l’intelligence. […] suivant les ordres du comte Guiffre, les envoyés arrivèrent dans la campagne de Toulouse, et ici et là, examinant toutes les églises, ils cherchent à deviner où il y’a des corps saints et le moyen le plus sûr de les enlever. Ils entrent dans le village de Viéville. Une église, dont les murs tombent en ruines, dont la porte disjointe n’est pas même fermée à clef, dont personne absolument n’a la surveillance, attire leur attention : c’est l’église de saint Gualdric. Grande joie naturellement dans le cœur des messagers du comte Guiffre. Le trésor tant cherché est sous leur main. Au milieu du profond silence de la nuit, ils entrent dans cette église à l’abandon, où reposent les reliques du saint Laboureur.

Mais un grand miracle les arrête d’abord. Ils ont beau faire, le tombeau du Saint leur résiste ; ils n’en peuvent ni remuer, ni briser la pierre qui le couvre. C’est un signe qui manifeste la vénération que nous devons porter aux serviteurs de Dieu. Les pieux voleurs, stupéfaits et ne sachant plus comment se tirer d’embarras, commencent d’invoquer la miséricordieuse bonté de Dieu et s’adressent au Saint lui-même : « Glorieux saint Gualdric, si vous nous permettez d’emporter d’ici vos Reliques sacrées, nous faisons vœu de les placer en tel lieu où elles seront magnifiquement honorées par la suite. » Après ces prières, ils retournèrent au tombeau qui semble maintenant s’ouvrir de lui-même. Avec autant de dévotion qu’ils le peuvent, ils enlèvent ces ossements sacrés, les recueillent en des boîtes préparées d’avance, et, heureux d’emporter un si grand trésor, ils se hâtent de reprendre les chemins qui mènent en Roussillon »

Saint Gaudérique est né au IXème siècle, il aurait vécu dans le petit village de Viéville, dans l’Aude, entre 820 et 900. Aujourd’hui considéré comme le saint patron des paysans, des agriculteurs, et patron du diocèse du Roussillon, il est invoqué par les laboureurs pour faire tomber la pluie (comme ce fut le cas à Vinça après un important épisode de sécheresse).

Sur le retable qui lui est dédié à l’église Saint-Pierre de Prades se trouve le premier miracle qui a contribué à la grande renommée de Gaudérique, le miracle dit de « l’Angélus », que l’abbé de Casamajor explique dans la première citation. Au sujet de l’enlèvement des reliques de Gaudérique et de leur transfert à Saint-Martin-du-Canigou, les avis divergent. Comme l’abbé de Casamajor, certains pensent au miracle divin. D’autres pensent au contraire que l’abbé Sclua du Canigou, premier abbé [architecte] du monastère du Canigou, ayant eu vent des miracles de Gaudérique, chargea deux moines d’aller à Viéville pour dérober les saintes reliques du saint Laboureur. Là encore les avis divergent quant à la date exacte de l’événement, certains avancent la date du larcin à 1014, au moment de la consécration de la nouvelle abbaye. D’autres, comme Mathias Delcor, spécialiste de l’histoire de Saint-Martin-du-Canigou, affirme quant à lui qu’un acte de donation, antérieur à 1014, (mais durant le règne abbatial de Sclua), aurait été dédié à Saint-Martin et saint-Gaudérique, preuve que les reliques du saint reposaient déjà à Saint-Martin-du-Canigou bien avant 1014.

 

Service Patrimoine de la Vilel de PRADES - Juillet 2014

Aller plus loin :

-          Vie de Saint Gualdric par M. l’abbé de Casamajor (disponible en ligne sur le site gallica.fr)

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